Antibes historique
Michel-Joseph EMOND dit EMOND D’ESCLEVIN, né le 20 septembre 1734 à Guise (Aisne). Son père était capitaine d’infanterie, et avait épousé le 26 mai 1732 une demoiselle de Terme. Il termina sa vie comme commandant d’une compagnie d’invalides.
Son fils, Michel-Joseph, fut nommé lieutenant de la compagnie de Montmort le 15 avril 1746, et arriva à Antibes en 1762 comme directeur de la correspondance de Corse.
Il fut maire de la ville de 1793 à 1794. Il fut l’un des membres fondateurs d’une des premières loges maçonniques antiboises (voir rue des Casemates) intitulée Les Parfaits Amis Choisis qui alluma ses feux en 1765.
Il épousa le 5 juin 1762 Bartholomée du Boyer de Choisy, née à Antibes le 16 avril 1732, fille de Louis-Joseph du Boyer de Choisy, capitaine d’infanterie, dont il eut plusieurs enfants, parmi lesquels :
• Charles-Félix EMOND D’ESCLEVIN, né à Antibes le 7 octobre 1762, commença une carrière militaire en 1778, obtint la croix de Saint-Louis et finit sa carrière comme commissaire de guerre. Il obtint le 24 janvier 1815 un certificat attestant que sa famille jouissait depuis longtemps des avantages de la noblesse et fut confirmé dans sa noblesse par lettres patentes du roi Louis XVIII le 20 décembre 1817. Il commanda la garde nationale d’Antibes où il mourut le 4 mai 1842 à l’âge de 80 ans.
Il avait épousé le 1er mai 1794 Blanche Giraud, fille de Jean Giraud, maire d’Antibes, dont il eut un fils, Jean-Baptiste-Félix Emond d’Esclevin, né le 4 février 1797, volontaire royal de l’armée du midi en 1815.
• Balthazar-Joseph, baron EMOND D’ESCLEVIN, né à Antibes le 20 mars 1765, fit une brillante carrière dans l’artillerie de marine. Lieutenant des canonniers garde-côtes le 5 mars 1789, il prit part à l’expédition d’Egypte. Le 2 mai 1813, il participa à la bataille de Lützen à la tête du 1er régiment d’artillerie de marine, où il fut gravement blessé. Il fut alors fait baron d’Empire par Napoléon, reçut la légion d’honneur le 25 mai 1813 et fut nommé général de brigade, le 4 août 1813. Fait prisonnier le 11 novembre 1813, il mourut en captivité le 28 décembre 1813 des blessures reçues lors de la bataille de Kulm (30 août 1813).
Il avait épousé Charlotte-Catherine Barberet, fille de Denis Barberet, médecin de marine.
A signaler : A Juan-les-Pins, il y a l'avenue Edmond d'Esclevin. Il s'agit bien sûr d'une erreur. Le nom exact est Emond d'Esclevin.
Balthazar-Joseph Emond d'Esclevin par Chapuis. Photo Rama.
Un milliardaire fantasque. C'est ainsi que Christophe Luraschi (Albert de l'Espée. Atlantica, 1999) le décrit dans son ouvrage très détaillé dont j'ai tiré l'essentiel des éléments suivants.
Né le 17 septembre 1852 à Metz (Moselle), le fils du baron Édouard de l’Espée et de Marie De Gargan hérita des biens de ses parents au décès de sa mère en 1892. Il épousa le 8 mai 1883 Mathilde Delphine de Bongars, née au château de Kéroser dans le Morbihan (1863, décédée à Saint-Raphaël en 1926), fille unique du marquis Edmond de Bongars, capitaine de cavalerie, officier de la Légion d'Honneur dont il eut un fils né en 1890, René. Le couple divorça le 31 août 1916, aux torts exclusifs du mari.
Né extrêmement riche, il put se laisser aller à sa grande passion, la musique d’orgue. Il fit construire une salle de concert privé sur les Champs Elysées et l’équipa d’un grand orgue Cavaillé-Coll. Il commandera à ce même facteur d’orgue des instruments pour ses propriétés d’Oléron et de Belle-Île. Le 26 avril 1880, il fit installer un nouvel orgue Cavaillé-Coll, identique à celui du maître Eugène Gigout , dans le château familial d’Antibes. Cet orgue lui coûta 17.500 F. Il le fit modifier trois ans plus tard, en y faisant ajouter divers jeux, pour la somme de 6.400 F.
Le baron Albert de l’Espée était un personnage particulier : Il ne voyageait que par chemin de fer, emportant avec lui son lit, son linge bien emballé, son pétrin pour faire son pain et toute sa vaisselle. Il grillait lui-même son café et avait sa propre vache pour avoir du lait frais, vache pour laquelle il avait fait construire un cabanon personnel luxueux.
Dans les années 1880, il avait fait construire au Collet du Sarde aux Adrets (Var) une luxueuse villa. Excellent chasseur et grand amateur de chiens, il y avait fait installer un chenil entièrement carrelé et charpenté de chêne. Ses chiens n’étaient nourris que de viande fraîche, d’œufs frais pour les chiots, ou d’œufs âgés de 2 jours maximum pour les chiens plus âgés. Refusant de boire l’eau des Adrets, il envoyait ses domestiques chercher de l’eau à Théoule car il y jugeait l’eau plus pure. Il faisait nettoyer son matelas avec de l’alcool de menthe et assainissait les pièces avec du camphre. Il exigeait que son linge soit lavé uniquement avec de l’eau de Théoule.
Quelques années plus tard, il réalisa son rêve en faisant construire en 1897, près de Biarritz, un château dont le but essentiel était d’accueillir le plus grand orgue jamais construit pour un particulier et qu’il commanda au célèbre facteur d’orgue, Aristide Cavaillé-Coll. L’orgue de cathédrale qui y fut installé comportait quatre claviers et quatre-vingt deux jeux et permettait au virtuose méconnu, qu’était Albert de L’Espée, de jouer du Wagner ou d’improviser face à l’océan.
Le château d’Ilbarritz était construit sur une butte. Dans le parc il fit édifier une quinzaine de pavillons réunis par un invraisemblable réseau de chemins permettant de se promener en restant à l’abri du vent ou du soleil. Le château comportait sept cuisines que l’on utilisait en fonction du vent, car le baron ne supportait pas les effluves de cuisine. Il y avait neuf salles à manger, où les repas étaient servis chaque jour car le baron ne savait dans laquelle il allait se restaurer. Un ruisseau traversait la propriété, enjambé par vingt-et-un ponts. L’ensemble était alimenté en énergie par une usine hydroélectrique. Il avait fait construire, dans le parc du château, un pavillon, la villa des Sables, pour y loger sa maîtresse, l’actrice célèbre à l'époque, Biana Duhamel de 21 ans sa cadette, ainsi que la mère de celle-ci, à condition de ne jamais la croiser. Il prévenait sa maîtresse de son désir de la recevoir en hissant un drapeau à la plus haute tour du château et l’envoyait chercher en chaise à porteur, amenée par deux valets en costume oriental.
Le château d’Ilbarritz fut vendu en 1911 et le gigantesque orgue fut transféré en 1913 à la Basilique du Sacré Cœur de Paris où il fut inauguré le 16 octobre 1919 par Charles-Marie Widor, Marcel Dupré et le titulaire Abel Decaux.
Albert de l'Espée aurait eu une autre relation avec une demoiselle Bauchat. Celle-ci aurait été surprise en flagrant délit d'adultère en 1916, usurpant les noms, rôles et qualité de la baronne de l'Espée !
Le baron Albert de L’Espée mourut à Juan-les-Pins le 4 janvier 1918. Sa mort passa inaperçue. Il ne vivait plus au château qu’il trouvait trop grand pour lui. Il s’était installé dans une petite pension de Juan-les-Pins, l’hôtel «Graziella». En raison de la guerre, il fut inhumé provisoirement à Antibes, avant que sa dépouille ne soit transférée en 1920 dans le caveau des "de Wendel" à Hayange, berceau de la famille.
Une des rares images d'Albert de l'Espée.
Le château de l'Espée aujourd'hui. Photo Abxbay.
L'actrice Biana Duhamel.