Antibes historique

Les vieilles Fontaines d'Antibes

Je me limiterai aux anciennes fontaines car je trouve que les nouvelles manquent de charme. Bien sûr, elles ont leur intérêt et  certainement, leur utilité. Elles créent une atmosphère de fraicheur ; elles permettent aux estivants de se rafraichir et éventuellement de se réhydrater, à condition que la possibilité de le faire soit clairement indiquée. Mais, elle n'ont pas ce caractère irremplaçable que donnent les siècles passés. Il leur manque ces vieilles pierres, usées, déchirées par le frottement des objets usuels, ébréchées par les chocs des siècles ; elles n'ont pas ces tuyaux de cuivre bleuis par le flux séculaire de l'eau : ces encoignures emplies de mousse humide qui sentent bon les recoins obscurs de l'histoire. Alors, partons à la découverte de ces témoins d'un passé révolu mais bien attachant.

La Fontvieille.

"A tout seigneur, tout honneur", dit-on ! Voici la plus ancienne fontaine de la ville. Son nom vient tout simplement du provençal où font veut dire source, puis fontaine, et vieilh, vieille. Elle est déjà signalée comme point d'eau de la ville dans l'antiquité. Jusqu'au XVIIIe siècle, à cet endroit, était signalé un puits. A l'époque, la ressource en eau était essentielle pour les Antibois. Certains avaient un puits personnel. On en retrouve beaucoup dans les caves du vieil Antibes. Mais les autres pouvaient être tentés de trop utiliser l'eau commune. C'est ainsi qu'un puits y fut installé, et qu'un gardien soit mis en place par le commandant d'Antibes, le sieur de Lhuilier, afin que la source unique d'eau de la ville ne soit gaspillée voir gâtée. Au XIXe siècle, on la dota d'une pompe mécanique. La fontaine monumentale actuelle sera édifiée en 1853. Les inscriptions gravées indiquent clairement ses objectifs:

                      CIVIUM COMMODO, URBIS ORMAMENTO

             Dans l'intérêt des citoyens, pour l'ornement de la ville

Plus bas, il est écrit :

Défense de laver dans le bassin et d'abreuver les bêtes attelées.

La Fontaine du Pissacan.

Si vous vous promenez dans les rues du vieil Antibes, vous remarquerez sûrement cette petite fontaine qui se trouve à l'angle de la rue de la République et de la rue James Close. Elle a été installée en 1859 comme le rappelle une inscription sur sa partie haute. Le docteur Jean-Baptiste Rostan était alors maire de la ville. Elle parait insignifiante, mais elle a une histoire.

On l'appelle fontaine du Pissacan parce que son jet ressemblait autrefois, lorsqu'elle n'était pas encore alimentée par l'eau communale, à un jet d'urine de chien. D'autres disent que c'est parce que son bassin étant situé au ras du sol , les chiens venaient s'y soulager dedans.

Sur cette fontaine, on remarque une inscription : parvus sed gratus, ce que l'on peut traduire par "Petit mais agréable".

 Or, il arriva, au début du siècle, qu’une sécheresse opiniâtre vint presque la tarir, ce qui laisse supposer qu’elle était alimentée par une source. Un vieil Antibois, quelque peu poète se laissa alors aller à ces quelques vers qu’il inscrivit sur la fontaine : 

Moun paouré pissacan,

Tu que pissaves tan,

Pisses sur tes cavillo.

Ben leou, Jesu Maria  

Mourra de sequamen.

Requiescat in pace.

Amen.

Mon pauvre pissacan

Toi qui pissait tellement,

Tu pisses sur tes chevilles.

Bientôt, Jésus Marie,

Tu mourras de sécheresse.

Reposes en paix.

Amen.

La Fontaine du boulevard d'Aguillon.

Elle se nomme aussi Fontaine des Vétérans. Elle a été édifiée en 1786 à la suite de la réfection de l'aqueduc romain par Louis d'Aguillon, brigadier des armées du roi. Elle était associée à un lavoir construit à proximité, le lavoir des Casernes ainsi nommé car il se trouvait à proximité de la caserne Vial située dans la Courtine. Il fut détruit en 1929 lorsqu'on perça les remparts pour permettre un accès directe au port pour les voitures. Afin de remercier M. d'Aguillon pour ses travaux hautement bénéfiques pour la ville, une plaque fut apposée sur la fontaine de la Miséricorde (Vide infra) sur laquelle il était inscrit :  « Sous le règne de Louis XVI, la reconnaissance a élevé ce monument à M. d’Aguillon, brigadier des armées du roi, corps royal du génie, dont les soins et les talents ont rendu à cette ville les eaux qu’elle devait à la bienfaisance des romains par la découverte et le rétablissement de l’aqueduc qui les y portait. » Cette plaque fut détériorée en 1793, puis déplacée sur la fontaine du boulevard d'Aguillon.

Quatre têtes décorent la borne à goulot. S'agit-il des quatre saisons, des quatre directions ou autre ?

Fontaine de la Miséricorde ou du Puits-Neuf.

Autrefois, la rue Georges Clemenceau s'appelait rue du Puits-Neuf, car l'emplacement actuel de la fontaine était occupé par un puits. Le nom de Miséricorde vient de la proximité de la fontaine avec la Chapelle des sœurs de la Miséricorde qui s’occupaient des malades de l’hôpital Saint-Jacques. Cette chapelle se trouvait à l’emplacement de l’actuelle salle de l’orangerie. La chapelle de la Miséricorde, quant à elle, fut fondée par la confrérie des Pénitents noirs. Elle fut vendue en 1796 dans le cadre de la vente des biens nationaux.

Le nom de Puits-Neuf fut improprement attribué à la fontaine qui fut installée en 1785 au bas de la rue en hommage à d’Aguillon (voir ce nom). On donna alors à cette fontaine le nom de Fontaine de l’aigle car elle était surmontée d’un globe supportant un aigle, rappelant les armes des d’Aguillon. Elle s’appela ensuite Fontaine des dauphins en raison du décor des bouches à eau.

La fontaine fut édifiée sous la direction d'un certain Mauric, maistre fontainier venant de Toulon. Elle est constituée d'un bassin arrondi au centre duquel s'élève une colonne de granit venant d'un temple romain. Cette colonne repose sur un piédestal décoré sur trois de ses faces des armes du roi, de la province et de la ville. Sur la quatrième face est gravée une inscription à la gloire du roi Louis XIV. Le sommet de la colonne supporte une boule qui aurait été surmontée d'un aigle les ailes déployées aujourd'hui disparu.

Fontaine de la rue des Paveurs.

Vola une petite fontaine comme on les aime. Simple, sans décorum, mais que l'on sent chargée d'histoire. Elle se situe dans un recoin entre la rue des Paveurs et la rue de la Pompe. Elle ne distribue plus d'eau depuis bien longtemps. Elle est formée d’une partie verticale massive, adossée à une habitation, d’où sortent deux bouches à eau encadrant une figure sur laquelle est inscrite une date : 1833 et le mots Louis. La partie basse ressemble à une pierre à évier garnie de deux supports métalliques destinés à supporter les récipients. Un pertuis laissait couler l’eau qui s'évacue dans une rigole. 

La Fontaine de la Tourraque.

Elle est située à l'angle de la ruelle amenant au lavoir de la Tourraque. Elle est composée d'une partie verticale en pierre calcaire de laquelle sortent deux tuyaux d'eau qui s'écoulent dans un bassin en forme de vasque muni de deux supports métalliques. L'eau s'écoule par un pertuis situé sur le côté. L'édifice est surmonté d'un décor en forme de vasque.

La Fontaine de l'Essor au Cap d'Antibes.

Le 8 avril 1899, le maire M. Robert Soleau annonça au conseil municipal qu’un généreux donateur voulant garder l’anonymat avait offert à la ville une statue en marbre blanc de 1,10 mètres de haut, destinée à être installée « à l’extérieur de la ville et (elle) surmontera une vasque en ciment, dans laquelle coulera une eau renouvelée et destinée à rafraîchir bêtes et gens. »
 C’est ainsi que le 31 mars 1902 fut installée au Cap, à l’angle du Boulevard Kennedy et de l’avenue Mrs L. D. Beaumont, au-dessus d’un ancien abreuvoir transformé en fontaine, une statue représentant un soldat américain dans un uniforme du XVIIIe siècle tenant le drapeau de l’indépendance. Peu après, le donateur anonyme fut connu. Il s’agissait d’un certain M. Dumont qui avait également fait don au musée de la ville d’un tableau représentant une vue de la forêt de Fontainebleau. Quant à la raison de ce don, on pense qu’il souhaitait glorifier l’amitié entre la France et les États-Unis symbolisée par la victoire de Yorktown remportée le 19 octobre 1781 par des troupes franco-américaines sur les Anglais, signant l’indépendance américaine. 
En 1919, un dénommé Monteux, industriel parisien, propriétaire de la « villa des Colonnes » voulu modifier à son bénéfice ce petit coin de fraicheur et de repos fort apprécié des promeneurs. Dans son projet, la statue devait disparaître. Le maire M. Baptistin Ardisson dut intervenir, et la transformation ne se fit pas. 

Cette statue, baptisée « L’essor », fut décapitée par des vandales en 1983. La municipalité fit enlever la statue afin de lui éviter d’autres dégradations.
Cinq ans plus tard, l’association des commerçants et artisans du Vieil Antibes offrit de racheter la tête, anonymement, pour 10 000 F, par l’intermédiaire d’un vicaire, le père Larose, curé de la paroisse Saint Benoît. La dproposition resta sans effet, la tête ayant peut-être été détruite. La statue ne fut jamais remise à sa place et devrait se trouver dans les réserves d’un des musées de la ville. 

Le soldat avant et après décapitation. Photo Nice-Matin

La Fontaine monumentale de la Place Nationale.

Après la défaite de Napoléon Ier à Waterloo le 18 juin 1815, la France subit une occupation. Antibes fut assiégée par les troupes autrichiennes qui voulaient l'occuper. Le traité de Paris signé le 20 novembre 1815 mit un terme aux hostilités. Le 20 mars 1816, le roi rendit une ordonnance reconnaissant le courage des antibois devant les austro-sardes et leur fidélité lors du débarquement de l’empereur. Le premier article mettait Antibes au rang des « bonnes villes » du royaume.

Le 31 mai 1818, fut posée en grandes pompes, la première pierre d’une colonne commémorative. La cérémonie fut présidée par le préfet du Var, M. Siméon, en présence de toutes les autorités locales. Cette première pierre, creusée d’une niche, reçut une boite en plomb contenant des pièces d’or et d’argent à l’effigie du roi Louis XVIII, des médailles, la liste des magistrats et des conseillers municipaux, celle des gardes nationaux en poste lors du blocus et enfin le procès verbal de la cérémonie signé par tous les officiels. Le 24 novembre 1819, M. Tourre, maire de la ville, fut élevé à la dignité de chevalier de la Légion d’honneur.
En 1883, M. Robert Soleau fit un don de 4.000 francs afin que la colonne soit ornée en son pied par une grande fontaine. Celle -ci sera agrémentée, grâce à un nouveau don de 500 francs également offert par M. Robert Soleau, devenu maire en 1884. Le bassin sera détruit en 1963.

Edition Aqua Photo

Editions ND Phot.

La colonne avant la construction de la fontaine.

Photo du chanoine Rostan

Une des quatre plaques apposées sur la colonne de la fontaine de la place Nationale.