Antibes historique

Les petits ports antibois oubliés.

Nous connaissons tous le Port Vauban qui s'est développé en occupant la totalité de l'anse Saint-Roch, englobant par là-même l'ancien port d'Antibes. La station de Juan-les-Pins s'est elle-aussi dotée d'un port de tourisme issu du port privé qu'avait installé Georges Gallice sur sa propriété située au quartier du Croûton. C'est ce petit port privé qui devint par la suite le Port Gallice que nous voyons aujourd'hui.

Si de ce point nous poursuivons la route qui mène au Cap, nous allons arriver rapidement à ce qui était un petit port de pêcheurs :

Le Port du Croûton. Ce port s'appelait autrefois "Port des Galères Turques", ce que nous avons explicité et détaillé dans la page "Histoire et anecdotes". A côté de ce port se trouvait la "Fontaine du Pin" qui avait donné son nom au quartier, mais qui a aujourd'hui disparue, englobée dans un domaine privé.

Ce port était dominé par une éminence qui a été arasée afin que s'y installe le restaurant "La Maison des Pêcheurs", un lieu très couru par les vedettes du "showbiz" dans les années 60.

Ce petit port-abri est devenu un port pour pêcheurs plaisanciers, géré par une association, "L'association des Plaisanciers du Croûton". Il offre près de 400 places pour de petits bateaux de plaisance.

Le port Galice et bateaux de guerre en arrière-plan. Cliché Levy fils et cie.

Le port du Croûton et la Fontaine du Pin. Librairie Maillan.

Le port du Croûton et la route du Cap. Photo Biondo.

Le port du Croûton et l'éminence où se dressera la Maison des Pêcheurs. Cliché Rostan et Munier.

Si nous continuons notre route vers le Cap d'Antibes, nous allons vite atteindre un petit port privé désaffecté :

Le Port Mallet. Il ne reste plus grand chose des installations de ce port privé : quelques pans de murs, des jetées détruites, mais surtout des souvenirs d'enfance pour ceux qui, comme moi, venaient s'y baigner, et profiter de ces vieilles ruines pour en faire des plongeoirs.

Il s'agit d'un port privé construit en 1910 à la demande de M. Eugène Mallet. Jean-Nicolas Eugène Mallet (Paris, 20.07.1840- Antibes, 21.05.1915) est issu d'une famille protestante installée à Rouen réfugiée à Genève vers 1557. Son ancêtre Jacques Mallet créera à Genève une "maison de banque". Son aïeul Isaac Mallet créera à Paris la banque Mallet qui participera à la fondation de la "Banque de France" et gèrera les biens de certaines des plus grandes fortunes de France (l'ex-roi Louis-Philippe par exemple).

Eugène Mallet épousa Laure Antonie Chatoney le 1er octobre 1873 à Paris. Ils eurent 5 enfants. Eugène Mallet eut une carrière brillante. Il fut vice-consul à Andrinople en 1874, puis à Salonique en 1878, puis dans les îles ioniennes à Corfou en 1884. En fin de carrière, il acheta au Cap d'Antibes une villa appartenant à la banque Rigal, afin d'y prendre sa retraite. Cette villa s'appela successivement Villa des Nielles, puis villa du Cap. Possesseur d'un bateau automobile mû par un moteur à vapeur construit par l'ingénieur Léon Serpolet (1858-1907), il fit construire en face de sa propriété, un port d'environ 1 400 m². Celui-ci constitué de trois bassins de 40, 14 et 20 mètres de long, est aujourd'hui en partie ensablés. Il reste un ensemble de murets en béton fortement désagrégé situé au milieu d'un endroit agréable, sous les pins. Il offre deux petites plages : l'une en galets l'autre en sable peu fréquentées en comparaison de la plage proche des Ondes.

Eugène Mallet mourut le 21 mai 1915 à Antibes. Sa veuve resta dans sa villa avec leur fille jusqu'à son décès en 1940.

A proximité il y a la plage des Ondes ou se trouve un curieux édifice au milieu de l'eau. Pour beaucoup, il s'agit d'une tour de guet qui évoque les tours génoises de Corse. Mais, en réalité, cette petite tour a été édifiée dans les années 50 par l'artisan maçon Aurelio Zéma pour servir de loge privée à Martine Carol (1920-1967), l'actrice française la plus populaire avant que n'arrive Brigitte Bardot.
Née Marie-Louise Mourer le 16 mai 1920 à Saint-Mandé (Val-de-Marne), elle commença sa carrière pendant l’occupation. C’est le film " Caroline chérie " (1951) qui la rendra célèbre dans les années 50.
Sa notoriété commença à s’estomper avec l’apparition de Brigitte Bardot. Elle poursuivit sa carrière en demi-teinte jusqu’à la fin des années 60. Elle est décédée le 6 février 1967 à l’âge de 47 ans après quatre mariages, plusieurs tentatives de suicides et une consommation souvent excessive d’alcool et de médicaments.
En 1961 elle tourna dans un film de Michel Boisrond, « Un soir sur la plage » dont certaines scènes seront tournées au Cap d’Antibes. C’est là qu’apparait la petite tour des Ondes. Cet édifice avait des fenêtres en bois. L’intérieur était entièrement meublé avec un lit de repos et un espace pour se changer avec une douche. A l’arrière, un ponton permettait d’amarrer le bateau des propriétaires car cette tour faisait partie de la villa « L’étoile ».

Le port Mallet vue de l'Olivette

L'entrée du port Mallet.

La Tour des Ondes  dans les années 50 ↑ et aujourd'hui →

Un des bassins du port Mallet. En arrière-plan la villa Aujourd'hui.

Le Port de l'Olivette. En continuant la route du tour du Cap, on arrive au petit Port-Abri de l'Olivette. Le mot oliveto désigne à la fois un champ planté d'oliviers, une petite olive de forme allongée, mais aussi une variété de raisin aux grains allongés. Le nom de ce quartier de l'Olivette est lié à la présence d'une oliveraie. Sur un plan d'Antibes daté de 1764, est indiquée la présence d'une " Tour d'Oliveret "qui semble correspondre à la Tour du Graillon. Il est probable qu'autrefois existait ici une exploitation agricole puisque lorsqu'on construisit la "Villa Aujourd'hui", on mit à jour des tombeaux gallo-romains.

C'est dans ce quartier que se trouve le port-abri de l'Olivette.

Il s'agissait au début d'un simple abri utilisé depuis le début du XXe siècle, simplement protégé au nord par des rochers, où les pêcheurs tiraient leurs bateaux pour les protéger d'une éventuelle tempête. En 1926, une demande de création d'un port de plaisance aurait été effectuée, mais sans avoir de suites. A la fin de la seconde guerre mondiale, la municipalité antiboise eut la lourde charge de faire disparaitre les traces des années de guerre. Et il fallut se débarrasser des trop fameuses "dents de lion", ces tétraèdres en béton destinés à empêcher l'accès aux plages aux bateaux ennemis. Plutôt que de les jeter au large, les pêcheurs du coin demandèrent à ce que l'on en dispose un certain nombre afin de créer côté ouest, une digue destinée à mieux protéger l'anse des vagues.

Depuis 1982, ce petit port est sous la responsabilité de l'Association de Défense et de Gestion de l'Abri de l'Olivette. En 2013 fut prise la décision de renforcer la digue ouest fortement dégradée.

Ce petit port-abri peut accueillir 44 bateaux, essentiellement des pointus (bateaux de pêche traditionnels), ainsi que quelques dériveurs légers et de petits bateaux hors-bord. Sa profondeur n'excède pas 2 mètres, ce qui exclut toute embarcation de plus fort tonnage.

A proximité du port se trouvent deux villas remarquables.

La villa Aujourd'hui, construite en 1938 par l'architecte moderniste Barry Dierks pour Mrs Audrey Chadwick, une mondaine originaire de Miami, qui possédait en Floride, à Palm Beach, une villa qu'elle avait appelée "Today". Souhaitant suivre le mouvement initié par Franck Jay Gould qui encourageait les Américains à venir sur la Côte d'Azur, elle choisit cet architecte américain renommé pour bâtir sa résidence. Cet édifice prit la place d'un pavillon appelé le "Bungalow" datant du début du XXe siècle, édifié sur un terrain ayant "la taille d'un piano à queue", comme aimait le dire Barry Dierks. La "villa Aujourd'hui" appartint un temps à Jack Warner, producteur hollywoodien bien connu qui y reçut les plus grandes vedettes de l'époque.

Autre villa, la villa L'Olivette, dont le portail sobre interroge. Il présente le visage souriant d'un personnage qui n'est plus guère connu aujourd'hui, mais qui a eu son heure de célébrité dans les années 1910- 1920. Armand Ménard qui prit pour nom de scène son nom renversé, Dranem, est l'auteur de chansons inoubliables, comme "Les p'tits pois", "Le trou de mon quai". Il fera du théâtre et du cinéma. Il sera même chevalier de la légion d'honneur et mourra en pleine gloire en 1935.

Le port de l'Olivette autrefois et le "Bungalow".

 

Le port de l'Olivette et la villa "Aujourd'hui".

Le Port de la Salis. Reprenons notre tour du Cap d'Antibes et parcourons les quelques kilomètres qui nous séparent  du quartier de la Salis. Cette zone où s'étend maintenant la plage de la Salis créée en 1964, était autrefois une zone d'agriculture maraichère. Sur une photo prise de la Garoupe à la fin du XIXe siècle, on peut voir une grande ferme située presque au bord de l'eau (voir Galerie thématique). Le nom Salis indique très probablement qu'en ce lieu poussaient de l'osier (salix) qui était utilisé pour faire des corbeilles, du matériel de pêche. C'est là, au bout de la plage, lorsque la route du Cap amorce une grimpette qui passe devant une fontaine d'eau fraiche bien agréable pour ceux qui reviennent d'une excursion à la chapelle de la Garoupe, que se trouvait un petit mouillage où les propriétaires du coin, pêcheurs à leurs heures, pouvaient tirer leur bateau, souvent un "pointu", au sec. Dès 1867, des demandes furent adressées pour obtenir la construction d'une jetée et d'une cale de halage.

C'est au début du siècle dernier que naquit l'idée de la création d'un véritable port, tant le petit mouillage n'offrait qu'un abri très précaire. C'est M. Antoine Rous-Chaffrey, conseiller municipal dans l'administration du Maire Gustave Chancel (1901-1914) et propriétaire au quartier de la Salis, qui en porta l'idée. Messieurs Reibaud et Muterse, propriétaires de terrains à cet endroit, offrirent quelques arpents afin de faire aboutir le projet. M. Rous-Chaffrey, soutenu par le Maire, créa un "Comité de défense de la Salis" et lança une souscription publique qui eut un grand succès. Tout était prêt ; les fonds étaient disponible, les autorisations avaient été obtenues, mais M. Chancel changea soudainement d'avis, probablement pour des préoccupations électoralistes, et mit en suspens la subvention qu'il avait fait voter en Conseil Municipal. Mais les promoteurs du projet ne renoncèrent pas, et peu après le Maire revint à la raison, et le projet fut lancé, mais il fallut attendre 1921, sous la municipalité de M. Baptistin Ardisson (1914-1925), pour qu'une digue de 27 mètres soit enfin construite. Puis le port s'agrandit : entre 1955 et 1973, la digue fut agrandie à trois reprises. Tout allait bien jusqu'au 16 octobre 1979 en début d'après-midi, lorsqu'une gigantesque vague provoquée par l'effondrement du sol sous-marin au niveau du chantier de l’aéroport de Nice, vint ravager le petit port. Ce que l'on appelle maintenant un " tsunami " vint ravager toutes les installations du port et fit onze morts entre Nice et Antibes. Il fallut plusieurs années pour que le port soit reconstruit grâce à l'énergie des membres du "Syndicat de la Salis-Bacon".

Le port de la Salis est protégé par deux digues. L'une de 85 m et l'autre de 100 m. Il s'étend sur 1 ha. Il dispose de 245 anneaux pour les petites embarcations (c'est à dire d'une longueur inférieure à 7 m). Il possède également 4 appontements flottants (3 de 50 m et 1 de 60 m), accessibles par des passerelles. 

Quant à M. Rous-Chaffrey (Nice 15.07.1864- Naufrage du Sontay 16.04.1917), il connut une fin tragique. Engagé volontaire à 52 ans et chargé de convoyer les armées d'Orient, son navire, le paquebot Sonday qui avait été réquisitionné et militarisé, fut torpillé le 16 avril 1917 par le sous-marin allemand UC 33 au large des côtes tunisiennes. Il resta à bord avec son commandant, le lieutenant de vaisseau Magès et trouva la mort après avoir aidé à évacuer les hommes à bord. Le naufrage fit 49 victimes. 476 militaires et hommes d'équipage furent sauvés. Le nom d'Antoine Rous-Chaffrey figure sur le socle du Poilu du Fort Carré.

Le port de la Salis autrefois

 

Le prot de la Salis aujourd'hui.