Antibes historique
Pendant longtemps, les anciens lavoirs, après avoir été présentés comme des installations indispensables au confort de la population, ont été supprimés de nos paysages comme des objets devenus encombrants et inutiles. Or, depuis quelques temps, on redécouvre leur valeur culturelle et touristique. Malheureusement, la plupart ont été détruits pour laisser la place à une modernité vouée elle-même à bientôt disparaître. Je souhaite donc laisser ici la trace de ces anciens lieux de convivialité qu'étaient les lavoirs. On les appelait "les parloirs des femmes". Elles qui le plus souvent étaient confinées à leur domicile pour accomplir les tâches domestiques, se retrouvaient autour du lavoir qui devenaient alors des lieux d'échange, de complicité, de transmission des savoirs populaires. Mais n'idéalisons pas les choses. Le travail des "bugadières" (bugada veut dire"lessiver" en provençal) n'était pas facile ; passer plusieurs heures installé dans une position inconfortable avec les mains trempées dans l'eau froide, à frotter des tissus souvent rêches qui abiment et tannent les mains, ne devait pas être chose facile.
Un premier lavoir antibois a été créé lors de la restauration de l'aqueduc par M. d'Aguillon, qui, en utilisant l'excédent d'eau venant du moulin à farine, alimentera ce nouveau lavoir. Il disparaitra lors du dérasement des remparts sous condition faite à M. Macé, d'établir à ses frais un nouveau lavoir public couvert. Ce sera le lavoir du boulevard d'Aguillon. Ainsi, lorsque les remparts auront permis l'édification de la ville nouvelle, Antibes possèdera trois lavoirs auxquels il faut ajouter celui de la Fontonne. De ces édifices, porteurs de la mémoire de nos anciens, il n'en reste plus qu'un, celui de la Tourraque.
Lors de la restauration de l'aqueduc de Fontvieille, le débit d'eau fut tellement important, selon les termes mêmes de M. d'Aguillon, que la municipalité fit édifier deux fontaines dans la ville (fontaine de la Miséricorde et fontaine de la Tourraque) ainsi qu'un moulin à blé dans le bastion de Rosny, c'est à dire à l'endroit où l'eau arrivait après avoir traversé les remparts. Elle alimentait dans un premier temps le moulin, puis desservait un lavoir placé à proximité. Celui-ci se situait, comme le rappelle René Pettiti, entre l'avenue Saint-Roch et la rue Frédéric Mistral. Il s'agissait d'un lavoir à ciel ouvert, ce qui posait quelques problèmes lors des jours de mauvais temps, heureusement rares.
Ce lavoir est indiqué dans le plan ci-dessous par la lettre G (en haut et au centre).
Ce lavoir a disparu lors de la destruction du bastion de Rosny, probablement enfoui sous les déblais. M. Macé, l'entrepreneur chargé des travaux de dérasement des remparts, s'était engagé par la convention d'octobre 1895, à édifier un nouveau lavoir public, entièrement à ses frais. Il s'agit du lavoir, couvert celui-ci, qui sera construit non loin de l'ancien lavoir, à l'extrémité du boulevard d'Aguillon.
Le pont à arches supportant l'aqueduc restauré.
L'ancien lavoir. CPA colorisée.
Extrait d'un plan d'Antibes au XVIIIe siècle. Archives Municipales d'Antibes.
Document Archives Municipales colorisé 6Fi5.
Lavoir du bastion de Rosny vers 1890. Archives Municipales 51Fi53.
C'était un lavoir couvert afin de protéger les "bugadières" du soleil ardent du midi et du fort vent. Il sera peu à peu déserté, remplacé par les moyens individuels de nettoyer son linge à domicile. La municipalité décida alors de transformer ce local en garage pour les véhicules des pompiers, enfouissant par là même le lavoir. Avec la construction de la grande caserne des pompiers sur l'avenue Jules Grec, ce local a été utilisé comme garage municipal, puis a servi d’entrepôt pour une association caritative. Maintenant les batiments ont laissé la place à un jardin; . Le lavoir doit toujours être présent.
Le lavoir couvert. CPA colorisée.
Lavoir du boulevard d'Aguillon. Cliché P.L. Maillan colorisé.
Il tient son nom de sa proximité avec les casemates qui constituaient autrefois la "Caserne Vial" ou "casernes des douanes", qui étaient installées dans la Courtine. Le mot "casemate" désigne une zone des fortifications ayant plusieurs fonctions différentes. Soit c'est un lieu destiné à loger et abriter des soldats et du matériel ; soit un ensemble fortifié où on a installé un système de tir ; soit encore, un édifice bétonné de petite dimension.
Ce lavoir sera détruit sous la mandature de M. Aimé Bourreau (1929-1935) lors de l'ouverture de la grande porte marine, permettant aux véhicules à moteur de traverser la Courtine afin d'accéder au port à partir de la vieille ville. Les casemates existent toujours. Elles ont abrité un temps les bains-douches en 1935, Elles sont actuellement occupées par des ateliers d'artistes ou transformés en locaux associatifs.
Lavoir des Casemates. CPA colorisée. Editions Deley.
Le lavoir des Casemates (erreur sur la carte qui indique Boulevard Aubernon au lieu de d'Aguillon).
Lavoir des Casemates. Editions H. Jourdain.
C'est le dernier lavoir antibois encore visible, tous les autres ayant été détruits ou bien enfouis. Il se trouve au bas de la rue de la Tourraque, dans une petite cours, sous les remparts. Il a été couvert. Il a la particularité d'avoir un petit bassin de rinçage possédant une conduite d'arrivée d'eau décentrée, ce qui provoque un effet "tourbillon" facilitant le travail des bugadières.
Petit bassin de rinçage du lavoir de la Tourraque.
Lavoir de la Tourraque. Éditions de la Librairie du Progrès.
Ce lavoir était alimenté par les eaux amenées par l'aqueduc de Fontvieille. Avant le lavoir, il y avait une simple fontaine (font ou fountano en provençal) ce qui a donné son nom au quartier devenu depuis une agglomération. Ce lavoir a disparu, probablement enterré lors de travaux d'urbanisation et de construction de la route d'Antibes à Nice. Un projet de recherche et de mise en valeur existe en particulier en raison de la construction prochaine à cet endroit d'une résidence sénior.