Antibes historique

Petite histoire des Remparts d'Antibes

Lorsque les premiers navigateurs grecs arrivèrent sur le site d’Antibes, ils comprirent vite qu’ils étaient en présence d’un lieu privilégié pour plusieurs raisons : il s'y trouvait un repère important pour la navigation car facilement identifiable de la mer (le Cap), une large baie assez bien protégée des vents (l’anse Saint-Roch), une zone rocheuse assez vaste et surélevée facilement défendable en cas d’attaque (le rocher antibois), des tribus barbares avec qui on pouvait commercer. Il est probable que dans un premier temps ils n’installèrent qu’un simple comptoir certainement non permanent. Puis avec le développement des relations entre la Grèce et le monde méditerranéen occidental, l’installation fut permanente et des habitants d’origine grecque s’installèrent pour y rester d'autant que la situation en Grèce orientale devenait de plus en plus difficile (prise de Phocée par les Perses en 545 av. J.-C.

Les Grecs choisirent l'endroit le plus propice et surtout le plus sûr pour implanter leurs habitations : le rocher antibois. En effet ce lieu, protégé sur trois côtés, offrait une excellente visibilité de l’horizon maritime, et procurait une situation aisément défendable. L’installation d’un système de remparts sur le quatrième côté semblait aller de soi. Les colons grecs s’installèrent donc à partir du milieu du VIe siècle sur ce que l’on pouvait dès lors appeler l’acropole antiboise (de Akros, haut, et polis, la ville). Les premières fortifications furent donc très probablement construites par les Grecs. Il n’en reste que peu de choses, peut-être quelques blocs massifs à l’angle nord-est des remparts comme le suggère J. H. Clergues : « Les deux rangs inférieurs semblent être la base d’une enceinte antérieure au IIe siècle avant notre ère. » 

Antibes entra de plain-pied dans le monde romain au cours du Ier siècle avant notre ère. La ville prit alors une certaine importance (voir partie historique) qui nécessita qu’elle soit bien protégée. Toujours blottie sur son rocher, la ville commença à se développer au pieds de celui-ci jusqu’à constituer une ville de près de 4 000 âmes. Des maisons d’habitation, des monuments, des temples furent édifiés, mais les remparts derrière lesquels ils pouvaient se réfugier en cas de danger, restèrent à leur place primitive, autour du rocher dominé par son castrum. Bien sûr, le génie romain s’en empara. Ils furent complétés, améliorés ce qui aboutit à ce que l’on nomme parfois « l’enceinte du Ier siècle ». Il en reste quelques vestiges : au niveau de la porte de l’Orme encadrée par ses deux tours qui, à l’origine, étaient parait-il carrées, la Tourraque, quelques vestiges sur le front de mer, sous les remparts actuels

Antibes fut intégrée progressivement au royaume de France à partir de 1482, lorsque Louis XI devint comte de Provence. La frontière sud-est de la France fut alors définie par la vallée du Var inférieur, la vallée de l’Estéron et la haute vallée du Var. La défense de la frontière fut naturellement confiée à Antibes, ville la plus proche de la frontière, qui acquit alors une importance stratégique majeure. Malgré cela, les défenses de la ville qui avaient été simplement renforcées au Moyen-Age, constituant ce que l’on a appelé « les murailles de l’an mille », furent laissées en l’état pendant 70 ans. Ces murailles étaient percées par quatre portes permettant à la vieille ville de communiquer avec la ville basse. Il s’agissait du sud au nord, de la porte de l’Orme, la porte du Trou, la porte de Juissy et la porte du Révely. 

La vieille ville d'après G. Raymond.

A partir de 1506, on commença à relever les murailles ; le port envahi par la vase fut curé. Les terribles invasions de la Provence par les troupes de Charles-Quint au cours desquelles Antibes fut mise à sac, ses campagnes ravagées, amenèrent à l’évidence qu'il fallait renforcer et surtout repenser les défenses de la ville.

En 1550, Henri II décida d’entourer la chapelle Saint-Laurent d’une tour circulaire fortifiée qui sera achevée en 1553 ; puis en 1552 il fit édifier un fort sur l’îlot Saint-Jacques, destiné à protéger l’entrée du port. Ce « Petit Fort » ou tour Saint-Jacques, faisait face à la tour Saint-Laurent ébauche du futur Fort Carré. Ces deux édifices seraient dus à Jean de Renaud de Saint-Rémy, ingénieur militaire né à Saint-Rémy-de-Provence en 1497.

A partir de 1565, la Tour Saint-Laurent est renforcée par la construction de quatre bastions en pointe qui prendront les noms selon leur orientation de : Antibes, Nice, Corse et France, donnant au fort son apparence actuelle. 

Plan d'Antibes en 1635.

Au XVIIe siècle, une famille d’ingénieurs des fortifications va changer l’aspect de la ville. Raymond de Bonnefons (1545-1607), ingénieur pour le roi en Dauphiné et Provence et son fils Jean améliorent le système de défense en faisant édifier entre 1602 et 1611 l’enceinte côté terre avec ses quatre bastions dénommés : bastion du Roy (Henry IV), bastion de Guise (Charles de Lorraine, duc de Guise, lieutenant général de Provence de 1594 à 1631), bastion de Rosny (superintendant des fortifications, grand maître de l’artillerie devenu en 1606 duc de Sully) et bastion Dauphin (en hommage au futur Louis XIII). 

Photo panoramique d'Antibes à la fin du XIXe siècle, avec les remparts côté terre. Anonyme.

 Pendant le règne de Louis XIV, probablement en 1675, Vauban, alors commissaire général des fortifications, va venir à Antibes. Il améliore encore les remparts en approfondissant les fossés, en doublant les remparts d’un massif de terre. Il renforce les courtines, murs qui relient les bastions, en leur adjoignant trois demi-lunes et trois cavaliers (Guise, du Roy avec une poudrière, et Dauphin), réalisés par Honoré Allègre. Il fait remettre en état les bastions en front de mer (d’Alest et d’Epernon). Ces travaux sont réalisés sous la direction de Antoine (de) Niquet entre 1682 et 1687, puis sous celle du sieur des Fourneaux. Le port est à nouveau creusé en 1680 afin d’accueillir des bateaux de plus fort tonnage. Le grand projet de Vauban, qui consistait à construire un mur de fortification allant du Fort Carré à la ville, ne sera pas réalisé faute de moyens. 

Plan d'Antibes au XVIIIe siècle.

Après la disparition de Vauban en 1707, il n’y aura plus de très grands travaux en dehors de la construction du bastion et de la porte de la Marine donnant un accès direct au port entre 1719 et 1724. En 1743 est construit le nouveau môle du port. En 1840 on édifie une nouvelle caserne en lieu et place du couvent des Bernardines qui avait déjà été reconverti en hôpital militaire pendant les années de la Révolution. Le couvent sera en partie détruit à l’exception d’un bâtiment qui prendra le nom de « caserne P », lettre le désignant sur le plan de la ville. De nouveaux bâtiments viendront s’ajouter selon les plans de Charles-Joseph-Pierre Clérici, ingénieur, chef du Génie de la place d’Antibes. Cette caserne dite caserne Clérici, puis caserne Gazan, abrite aujourd’hui l’escadron de la Gendarmerie Nationale. En 1889 sera édifiée l’autre caserne historique d’Antibes, la caserne des Chasseurs qui prendra le nom du général Dugommier. Cette caserne sera démolie en 1973 pour laisser la place au complexe nautique et à la caserne des Pompiers. 

En 1860, avec le rattachement des terres du comté de Nice à la France, ce qui consistait à éloigner à l’est la frontière, Antibes perdit son intérêt de place militaire. La place sera déclassée en 1889, et le démantèlement des vieilles fortifications pourra commencer en 1895, épargnant le front de mer non pas par sentimentalisme, mais pour deux raisons évidentes : La première était que la destruction de ces murs n’avait aucun intérêt commercial pour l’adjudicataire M. Macé, car à cet endroit, on ne pouvait rien construire en raison de la proximité du rivage ; La seconde, sécuritaire était que la disparition de ces murs aurait mis en danger les maisons de la vieille ville qui étaient protégées par les remarts de l’instabilité du sol, de l’attaque des vagues et de l’érosion. 

Photos de la fin du XIXe siècle montrant la déstruction des remparts d'Antibes. Archives municipales, 7Fi98 1, 7Fi98 2